Qu’est-ce qui transforme un gestionnaire compétent en source de désengagement pour son équipe? Sous pression, même les meilleurs d’entre nous peuvent adopter des comportements désengageants — des patterns inspirés de l’échelle de psychopathie de Robert Hare, adaptés au contexte professionnel. Ces 8 comportements ne font pas de toi un psychopathe, mais ils créent exactement le même effet dans ton équipe : peur, perte d’ingéniosité, compétition interne, désengagement..
Et le pire? Tu ne t’en rends probablement même pas compte.
Octobre 2012. Je suis le 5ème directeur général en 6 ans dans une usine qui saigne à blanc. Les 4 autres avant moi? Tous congédiés, 14 mois en moyenne.. Climat toxique, divisions, promesses non tenues, production en chute libre.
Ma première semaine, j’observe. Et je vois quelque chose qui me glace : des gestionnaires compétents, avec de bonnes intentions, qui font exactement ce qu’il ne faut pas faire. Pas par méchanceté. Par stress. Par urgence. Par habitude.
Un contremaître qui hurle sur un employé devant toute l’équipe parce qu’une commande est en retard. Une superviseure qui manipule l’information pour protéger son département. Un directeur qui promet tout et ne livre jamais rien.
À chaque incident, je notais mentalement : “Ça, ça crée du désengagement.”
Puis j’ai découvert les travaux de Robert Hare, un psychologue canadien de l’Université de Colombie-Britannique qui a passé sa carrière à étudier la psychopathie. Et là, j’ai eu mon “eurêka” : les comportements qui désengagent le plus les équipes sont exactement les mêmes que ceux qu’on retrouve sur l’échelle de la psychopathie. Les mêmes que je pouvais exemplifier moi-même!
On est pas obligé de me croire sur parole.
Une étude de l’Université Bond en Australie (2016) a analysé un millier de gestionnaires. Leur conclusion? 21% présentaient des “traits psychopathiques cliniquement significatifs”. Un boss sur cinq. (https://www.lesaffaires.com/mon-entreprise/management-et-rh/1-boss-sur-5-est-psychopathe-2/)
C’est énorme. Et ça monte avec les échelons : Paul Babiak et Robert Hare ont trouvé que 4% des hauts dirigeants obtiennent un score de 30 ou plus sur l’échelle PCL-R — le seuil diagnostique de la psychopathie — soit 4 fois plus que dans la population générale. (https://bcbusiness.ca/people/general/how-ubc-behavioural-scientist-robert-hare-is-keeping-psychopaths-out-of-the-boardroom/)
Ces dirigeants recevaient d’ailleurs des évaluations élevées pour leur charisme, leur créativité et leur communication. Mais des notes catastrophiques pour la responsabilité, la performance et le travail d’équipe. Autrement dit : ils avaient l’air de leaders extraordinaires, mais ils ne l’étaient pas vraiment.
Attention. L’objectif ici n’est pas de diagnostiquer qui que ce soit. Ce n’est pas une chasse aux sorcières. C’est une grille pour te regarder agir, toi, surtout quand tu es sous pression.
Parce que voici la vérité que personne ne veut entendre : tout le monde peut tomber dans ces patterns. Toi inclus. Moi inclus. La différence entre un gestionnaire qui réussit et un qui fait fuir son monde, c’est la conscience de ces comportements et la capacité de les corriger.
Tu te considères supérieur. Tu as une opinion sur tout. Tu te vantes de tes réalisations. Tu fais preuve de condescendance envers tes collègues “moins expérimentés”.
Le signal d’alarme : Quand quelqu’un te challenge, tu te sens attaqué personnellement plutôt que stimulé intellectuellement.
Expressions soudaines d’impatience. Éclats de voix. Menaces voilées. Recours à la peur pour obtenir des résultats.
Le signal d’alarme : Ton équipe marche sur des œufs autour de toi. Ils attendent de voir “de quelle humeur tu es” avant de te parler.
Paroles enjôleuses pour obtenir ce que tu veux. Mensonges “stratégiques”. Information retenue ou déformée. Chantage émotif.
Le signal d’alarme : Tu changes de version selon à qui tu parles. Tu dis à ton boss une chose et à ton équipe une autre.
Irresponsabilité chronique. Non-respect de tes engagements. Et surtout : blâmer tout sauf toi-même quand ça va mal.
Le signal d’alarme : Quand il y a un problème, ta première réaction est de chercher qui a fait l’erreur plutôt que comment la corriger.
Fermeture totale au feedback. Incapacité à reconnaître les conséquences de tes actes. Tu n’es jamais coupable de rien.
Le signal d’alarme : La dernière fois que tu as dit “j’ai fait une erreur” à voix haute devant ton équipe, c’était… jamais
Promesses impossibles à tenir. Déformation de la réalité pour que ça paraisse bien. Peu de détermination à long terme. Recherche constante du gain rapide.
Le signal d’alarme : Tu lances des projets avec enthousiasme mais tu perds intérêt dès que ça devient difficile ou routinier.
Manque de curiosité et d’intérêt envers les autres. Tu sais que ton employé a des problèmes personnels, mais tu ne t’en soucies pas vraiment tant que ça n’affecte pas la production.
Le signal d’alarme : Tu connais les noms des enfants de tes employés? Leurs passions en dehors du travail? Si la réponse est non, demande-toi pourquoi.
Besoin de contrôler (micro-gestion). Travailler au mauvais niveau. Contourner les processus. Diviser pour régner. Faire faire ton travail par d’autres sans jamais leur donner le crédit.
Le signal d’alarme : Tu passes plus de temps à vérifier le travail de tes gens qu’à leur donner les outils pour réussir.
Voici ce que j’ai compris après 20 ans à observer des équipes de gestion : ces comportements ne sont pas un problème de “mauvaise personne”. C’est un problème de système.
Quand les fondations manquent — attentes floues, structure absente, outils de gestion inexistants — le stress monte. Et quand le stress monte, notre cerveau reptilien prend le dessus. On devient réactif plutôt que réfléchi. Impulsif plutôt que stratégique.
C’est ce que j’appelle la “spirale de la mort” :
Les 4 directeurs avant moi? Ils sont tous passés par cette spirale. Pas parce qu’ils étaient incompétents. Parce que personne ne leur avait montré comment en sortir.
❌ MYTHE #17 : Les personnes qui gravissent les échelons sont nécessairement choisies pour leurs qualités de leaders.
⚠️ Attention! Avec les anciennes définitions du leadership qui ont eu cours pendant des décennies, les organisations sont devenues des filtres risquant de promouvoir des comportements à tendance psychopathe.
Pense-y deux secondes. Les traits qui permettent de grimper rapidement les échelons — énergie et capacité de travail au-dessus de la moyenne, confiance apparente, prise de risque sans peur, charisme, intelligence supérieure — sont exactement les mêmes traits qu’on retrouve chez les psychopathes
Et sont les mêmes que les organisations recherchent et valorisent encore aujourd’hui, même lors des processus d’embauche.
Les organisations ont longtemps récompensé ces qualités sans voir le revers de la médaille.
La solution? Redéfinir complètement ce qu’on entend par “leadership”. Pas le charisme. Pas l’énergie. Pas le charme.
Humilité. Cela prend du courage et de la confiance en soi pour demeurer humble.
Exemplarité. Savoir de quoi on parle, travailler de façon appliquée, structurer le travail, comprendre les différentes personnalités.
Collaboration. Créer les conditions pour que l’équipe réussisse, pas se mettre en avant.
C’est contre-intuitif. Ça demande du courage. Et surtout, ça demande de s’observer en action.
Demain matin, avant ta première réunion, pose-toi cette question :
“Sur les 8 comportements désengageants, lequel ai-je le plus de chances d’adopter quand je suis sous pression?”
Pas besoin de répondre à voix haute. Pas besoin de le dire à personne. Juste prendre conscience. Tomber vers un seul comportement peut détruire ton leadership que tu auras mis des mois à bâtir.
Ensuite, pendant ta journée, observe-toi. À chaque fois que tu sens la pression monter — un deadline serré, un employé qui te frustre, ton boss qui te met la pression — demande-toi : “Est-ce que je suis en train de tomber dans mon pattern?”
C’est tout. Juste ça.
Pas de grande transformation. Pas de programme compliqué. Juste la conscience de toi-même en action.
Tu serais surpris de voir à quel point cette simple conscience peut changer ta façon de gérer.
18 mois après mon arrivée, l’usine qu’on disait condamnée était devenue rentable. Les griefs avaient fondu de 80%. Le taux de roulement était passé de catastrophique à stable.
Qu’est-ce qui avait changé? Pas grand-chose, en apparence. Les mêmes équipements. Les mêmes employés. Le même marché difficile.
Ce qui avait changé, c’était la façon dont l’équipe de gestion se comportait. On avait appris à reconnaître nos patterns désengageants. On avait mis en place des outils simples — des ordres du jour structurés, des registres d’actions clairs, des attentes explicites d’actions et de comportements. On avait créé un langage commun pour se donner du feedback sans se sentir attaqués.
On n’était pas devenus parfaits. On était devenus conscients.
Et c’est ça, la vraie définition du leadership.
Pas être parfait. Être conscient. Être humble. Être déterminé à créer les conditions pour que son équipe réussisse.
Si tu t’es reconnu dans certains de ces comportements, bravo. Sérieusement. La plupart des gestionnaires ne se regardent jamais agir. Le simple fait que tu aies lu jusqu’ici montre que tu es différent.
Le programme [Mythbuster Leadership](https://mythbusterleadership.com) a été construit exactement pour ça : donner aux gestionnaires les outils concrets pour sortir de la spirale des comportements désengageants et bâtir un vrai leadership — humble, exemplaire, collaboratif.
En 5 minutes de lecture par jour, tu comprends.
En 5 minutes d’application, tu vois la différence.
C’est du leadership appliqué. Pas de la psychologie molle.
Du terrain avant la théorie.
-----Alain Gauthier
Ingénieur, ex-directeur général d’usine, aujourd’hui Maire de sa Ville, créateur de Mythbuster Leadership
5ème directeur en 6 ans — le seul qui n’a pas été congédié. Le seul qui a rammené des profits.
Est-ce que les 8 comportements désengageants font de moi un psychopathe?
Non, absolument pas. Ces comportements sont inspirés de l’échelle de Hare, mais tout le monde peut les adopter occasionnellement sous pression. La différence avec un vrai psychopathe, c’est la fréquence et l’absence totale de capacité à s’ajuster. Si tu te poses la question, tu n’en es probablement pas un.
Comment savoir si je tombe dans ces patterns sans m’en rendre compte?
Le meilleur indicateur : observe la réaction de ton équipe. Est-ce qu’ils marchent sur des œufs autour de toi? Est-ce qu’ils évitent de te donner des mauvaises nouvelles? Est-ce qu’ils attendent de voir “de quelle humeur tu es”? Ces signaux sont plus fiables que ta propre perception.
Quel est le comportement désengageant le plus fréquent chez les gestionnaires québécois?
D’après mon expérience, c’est l’impulsivité sous pression — les éclats de voix, l’impatience visible, le ton sec. On valorise l’énergie et la rapidité dans notre culture, mais ça peut facilement basculer vers l’intimidation non intentionnelle.
Est-ce possible de changer ces comportements une fois qu’ils sont installés?
Oui, avec de la conscience et du coaching. Les experts s’entendent : seuls les vrais psychopathes (1 à 5% des cas selon les niveaux) sont impossibles à coacher. Pour tous les autres, le pronostic est excellent si la personne accepte de recevoir du feedback et de travailler sur elle-même.
Combien de temps faut-il pour voir des résultats?
Souvent, les premiers changements sont visibles en quelques semaines. Pas parce que tu as fondamentalement changé, mais parce que ton équipe perçoit ton effort de conscience. La transformation profonde prend généralement 6 à 18 mois de pratique consciente. Mais comme un alcoolique, tu devras toujours éviter les rechutes.
Comment donner du feedback à un collègue qui a ces comportements?
Concentre-toi sur l’impact, et sur comment ça fait sentir les autres, pas sur la personne. Exemple : “Quand tu as haussé le ton à la réunion, j’ai vu que Marie s’est fermée et n’a plus rien dit de la rencontre. Ça m’inquiète pour notre capacité à avoir des discussions ouvertes.” Ce type de feedback est plus facile à recevoir qu’un “tu es trop agressif”.
Est-ce que la pression au travail excuse ces comportements?
Non. Mais elle les explique. La pression ne justifie pas de faire peur à ton monde, mais comprendre que le stress active ces patterns permet de mettre en place des garde-fous avant d’exploser. C’est pour ça que les outils de gestion (ordres du jour, registres d’actions, attentes claires) sont si importants : ils réduisent le stress à la source.